Mode basse consommation Informations

Accessibilité

Contraste
Police (dyslexie)
Espacement

Quelle agriculture pour une alimentation durable ? Rencontre avec Emmanuelle Duchateau, agricultrice.

Emmanuelle Duchateau est agricultrice à Marquise, dans le Pas-de-Calais. Elle travaille avec son mari et son fils sur plus de 270 hectares, et a fait le choix de diversifier son activité en faisant cohabiter différentes cultures et de l’élevage. Elle ouvre régulièrement les portes de sa ferme pour permettre aux plus jeunes de découvrir un environnement souvent méconnu. Pourquoi faire le choix d’une diversification des cultures ? Quel rôle doit jouer l’élevage dans une agriculture durable ? Voici son témoignage.

Quelles sont les méthodes de production agricole que vous utilisez sur votre exploitation et pourquoi ce choix ?  

 Nous travaillons en polyculture-élevage et cultivons donc à la fois des céréales telles que le blé et l’orge, mais aussi de la betterave du lin, du colza, de la féverole, de la chicorée, des haricots, ou encore des pommes de terre. En parallèle, nous disposons de pâturages qui accueillent jusqu’à 240 de nos bovins. Nous produisons de la viande, mais pas de lait.  

La diversification de nos cultures a plusieurs vertus. Elle répond à l’hétérogénéité des sols auxquels nous devons nous adapter et nous permet de tirer notre épingle du jeu si une culture n’est pas viable économiquement une certaine année. Elle permet aussi de raisonner notre recours aux produits phytosanitaires grâce à des outils de cartographie qui en déterminent la quantité optimale pour chaque parcelle.  

Emmanuelle Duchateau

Agricultrice et administratrice de la FOP

« La polyculture rompt ainsi avec l’usage systématique d’intrants au profit de l’observation et de l’adaptation. » 

En quoi ce modèle d’agriculture peut-il être considéré comme durable ? 

La polyculture est un atout du point de vue environnemental, au-delà même de la réduction des intrants, car elle nous permet de développer des activités complémentaires. Nos prairies contribuent à capter et stocker le CO₂. Nous savons pertinemment que nous ne pouvons pas nous passer d’intrants, mais les intrants organiques – les déjections des bovins que nous élevons sur l’exploitation – ont un bien meilleur bilan en termes de gaz à effet de serre que les intrants minéraux. La plateforme OleoZE crée par Saipol valorise d’ailleurs les intrants organiques grâce à un bonus. Si, demain, il n’y a plus d’élevage, nous manquerons de fertilisants et l’abandon des prairies aura un impact carbone négatif. Nos bovins fournissent le fumier pour enrichir nos cultures en azote et ainsi éviter d’apporter de l’azote minéral.  

Ce modèle nous permet aussi d’être 100 % autonome dans l’alimentation de nos animaux. Nous parvenons à élever des vaches de près d’une tonne en les nourrissant uniquement avec la production de la ferme comme la féverole : l’apport protéique sera suffisant pour leur ration quotidienne.  Les producteurs de lait ne peuvent pas se passer de l’achat de tourteaux.  

Nous faisons aussi des échanges de fourrage et de fumier entre agriculteurs, c’est une pratique fortement ancrée dans nos territoires. Cette complémentarité doit se cultiver entre voisins, car c’est un des meilleurs moyens de valoriser sa production durablement.  

  • 270

    Hectares, c’est la surface totale de la ferme

  • 100 %

    C’est le niveau d’autonomie alimentaire de l’élevage

Comment définiriez-vous l’alimentation durable et comment pensez-vous y contribuer ? 

 L’alimentation durable, c’est d’abord une alimentation locale qui privilégie la proximité, mais c’est avant tout un enjeu d’intérêt général. Si nous ne nous occupons pas bien de nos sols, demain, ils nous le rendront. Personne n’a intérêt à une production intempestive et déraisonnée. Notre objectif est donc de produire sainement, en préservant l’environnement. Aujourd’hui, l’agriculture a fait son examen de conscience et a bien progressé, y compris au niveau des techniques de production. Nous sommes continuellement formés et informés pour améliorer nos façons de faire et bénéficier des évolutions permettant de limiter l’impact environnemental de nos activités. 

 Enfin, l’alimentation durable est une alimentation qui privilégie la qualité à la quantité. Mieux vaut manger moins de viande, mais de meilleure qualité. En revanche, si nous ne produisons pas davantage en France, nous finirons par importer toujours plus pour satisfaire les besoins. Nous y perdrions sur le plan de la durabilité comme sur celui des conditions d’élevage et de la traçabilité. Nous devons défendre l’intérêt qu’il y a à produire de la viande localement. 

Emmanuelle Duchateau

Agricultrice et administratrice de la FOP

« Produire durablement, c’est produire intelligemment en ayant à la fois conscience des enjeux et le sens des réalités. »