Quelle agriculture pour une alimentation durable ? Rencontre avec Emmanuel Leveugle, agriculteur.
Comment produire une alimentation durable? Est-ce qu’un modèle unique peut s’appliquer à tous les terroirs ? De l’agriculture raisonnée à l’agroécologie en passant par la polyculture, nous vous proposons trois perspectives d’agriculteurs résolument engagés pour une alimentation durable.
Emmanuel Leveugle est agriculteur à Cambrai, dans le département du Nord, en colza et grandes cultures. Il cultive ses parcelles en faisant cohabiter sur son exploitation plusieurs modèles de production : agriculture biologique, conventionnelle raisonnée et régénératrice du sol par limitation du labour qu’il n’oppose pas. Comment cela se traduit-il sur le terrain ? Pourquoi s’engage-t-il dans l’agroécologie ? Voici son témoignage.
A quelles méthodes de production agricoles avez-vous recours sur votre terrain ?
Je cultive depuis 1992 des oléoprotéagineux comme le colza, mais aussi des céréales et de la betterave. Il y a plus de 20 ans, nous avons décidé avec mon épouse, d’expérimenter l’agriculture biologique sur une partie de notre exploitation. Contrairement à l’agriculture dite « conventionnelle », elle proscrit l’usage de produits de synthèse en utilisant uniquement des engrais organiques et des pesticides d’origine naturelle.
Elle repose, par ailleurs, sur un cahier des charges à respecter. Des contrôles sont effectués par un organisme de certification. La conversion au bio dure 3 ans et implique de nombreux changements sur le terrain. Passer au bio, c’est apprendre de nouvelles techniques, rencontrer parfois des difficultés et apprendre à les surmonter. Le chardon et le rumex sont, par exemple, des « mauvaises herbes » très invasives sur nos parcelles. Dans le cadre des engagements que nous devons prendre pour la certification, nous désherbons à la main ou avec des machines pour ne pas utiliser de produits chimiques. Si ces techniques impliquent de l’adaptation et du travail, elles m’ont aussi fait évoluer dans ma vision de l’agriculture. Finalement, la plupart de ces bonnes pratiques me servent pour mes autres modes de culture, dans le cadre d’une démarche globale d’agroécologie.
Qu’est-ce que l’agroécologie ?
L’agroécologie est un concept dont l‘enjeu est double : produire en quantité et en qualité pour nourrir, tout en protégeant l’environnement. Il regroupe les différents modèles d’agriculture qui s’attachent à respecter la biodiversité et ses trois composantes clés : le sol, l’air et l’eau. Parmi ces modèles, figurent notamment le bio, l’agriculture à bas niveau d’intrants qui limite l’apport d’engrais et/ou de produits phytosanitaires. Mais aussi le label bas carbone qui vise une réduction des émissions de gaz à effet de serre et une optimisation de la séquestration de carbone dans les sols.
L’agroécologie part du principe qu’il n’y a pas une seule réponse globale aux défis agricoles et environnementaux, mais plusieurs solutions qui dépendent des terrains, des cultures et des aléas climatiques. Ce concept repose sur un contrat de progrès signé avec les pouvoirs publics qui permet à chaque agriculteur d’évoluer positivement : en plantant des haies ou des plantes mellifères, en évitant l’érosion des sols, en travaillant sur le stockage du carbone du sol, etc. Plus récemment, les évolutions de la science et du numérique ont permis de créer des outils d’aide à la décision. Ils nous aident à faire évoluer nos pratiques en tendant vers une gestion sur-mesure des exploitations.
Comment définiriez-vous l’alimentation durable et comment pensez-vous y contribuer ?
Une alimentation durable doit nourrir les populations, tout en respectant l’environnement et en rémunérant les différents acteurs de façon juste. Chaque agriculteur a ainsi une réelle responsabilité pour concilier ces trois grands piliers dans son action : l’environnement, la société et l’économie. En intégrant pleinement ces 3 dimensions de l’alimentation durable, l’agroécologie avance dans le bon sens, et nous progressons ensemble grâce aux actions de chacun.
